Un bus contre les déserts médicaux
Les déserts médicaux gagnent du terrain en France, et particulièrement dans les zones rurales ou reculées. À Camaret-sur mer en Bretagne, dans ce bout du monde français, l a population vieillissante fait face à une pénurie de médecins généralistes et de spécialistes. les délais et les distances pour obtenir un rendez-vous s’allongent : 4 mois et 45km pour un ophtalmologiste, 6 mois et 60 km pour un dentiste.
Pour réduire les inégalités d'accès aux soins, une association, en partenariat avec les autorités médicales, propose depuis cinq ans un réseau d'unités mobiles de santé. En Loire-Atlantique, ils sillonnent les quartiers populaires, tandis qu'en Finistère, ils arpentent les déserts médicaux, dont celui de la presqu'île de Crozon.
Cet avant-poste roulant, sans se substituer pour l’instant à une vraie offre médicale, permet néanmoins à ces populations d'accéder à de la prévention, des dépistages, et des diagnostiques de première intention. Le statut du dispositif ne permet pas de délivrer d'ordonnances, seulement d'aider au parcours de soins et de rediriger vers les bonnes personnes si nécessaire. Un pansement sur une jambe de bois, qui recueille tout de même des avis très favorable localement.
Des professionnels de santé volontaires donnent ici de leur temps aux patients qui viennent sans rendez-vous Mireille [prénom modifié], vient aujourd'hui faire un dépistage visuel. Elle se dit "satisfaite que cette initiative existe, car l'ophtalmologiste le plus proche est à Chateaulin ou Brest, à plus d'une heure de route". Jean-Yves Le Manac'h est un ancien médecin généraliste. Sa double casquette de chauffeur de poids-lourd fait de lui un élément important du dispositif, auquel il donne deux jours par semaine. "Je suis heureux et fier d'en faire partie, ma retraite prend ainsi un sens.", confie-t'il.
Nicolas Blouin est co-fondateur de l'association A vos Soins, à l'origine de cette solution. L'équipe a aujourd'hui réussi à fédérer un grand nombre d'acteurs de la santé autour de ce projet, mais ce n'a pas toujours été le cas. " A l'origine, nous ne venons pas du domaine médical. Ce pas de côté nous a parfois desservit, mais cela nous permet aussi de penser hors des cases, d'avoir un oeil extérieur et objectif sur l'offre de santé. On nous opposait souvent le fait que l'on créait un besoin dans des territoires où l'on ne pourra pas soigner. Mais le besoin est déjà là, rien ne sert de fermer les yeux !", relate-t-il. "Parfois, nous n'avons que deux patients en une après-midi, mais ce sont deux personnes qui ont eu un diagnostique rapide sur une pathologie sévère, ce qui leur a ensuite permis une prise en charge adaptée."
Le projet bénéficie d'indicateurs d'impacts, via le suivi d'un panel de patients volontaires. "Cela permet à l'ARS (Agence Régionale de Santé, ndlr) d'avoir un capteur fin sur le terrain, tout en nous permettant d'améliorer nos actions." Au total, ce sont plusieurs centaines de personnes qui en bénéficient chaque année, dont la moitié qui entre ensuite dans un parcours de soin. Forts de ce succès, un troisième véhicule est en cours d'aménagement pour d'autres territoires.
Texte et photos : Oscar Chuberre








