Soudan du sud : la liberté sans la Paix
En juillet 2011, le Soudan du Sud accède à l’indépendance, mettant fin à plus d’un demi-siècle de conflits sanglants avec le nord du Soudan, dominé par une élite arabo-musulmane. Avant la scission, les ressources pétrolières du sud profitaient principalement au pouvoir central de Khartoum, tandis que les populations chrétiennes et animistes du sud, majoritairement rurales, restaient exclues du développement et des infrastructures.
Ces photographies, prises dans les jours entourant l’indépendance, capturent l’euphorie populaire d’un moment historique, mais aussi la complexité d’un pays neuf, traversé de lignes ethniques profondes. Les grandes tribus nilotiques – notamment les Dinka et les Nuer – vivent selon un mode de vie pastoral ancestral, étroitement lié à l’élevage.
Mais derrière la liesse, la rivalité entre Dinka et Nuer n’a pas disparu. En 2013, elle dégénère en guerre civile, opposant les anciennes forces de libération. Le rêve d’unité s’effondre, laissant place à un conflit fratricide, largement ignoré hors du continent.
par Ludovic Vauthier - Reportage complet (texte et photos) sur demande
La veille de l’indépendance du Soudan du Sud, des femmes défilent dans les rues de Juba, drapées dans des tissus aux motifs symboliques, certaines tenant fièrement le drapeau sud-soudanais. Cette marche spontanée exprime à la fois la joie d’un peuple accédant à la souveraineté, et la fierté des femmes d’avoir joué un rôle crucial pendant la guerre civile. Longtemps marginalisées, elles revendiquent désormais leur place dans la construction de la nation.On the eve of South Sudan’s independence, women march through the streets of Juba, dressed in patterned fabrics and proudly carrying the new national flag. This spontaneous demonstration embodies the collective joy of gaining sovereignty, while also asserting the vital role women played during the civil war. Often marginalized, they now demand recognition in the rebuilding of the nation.
Scène de liesse à Juba la veille de l’indépendance du Soudan du Sud, après plus de cinquante années de guerre civile. Dans les rues bondées, des cris de joie éclatent, des klaxons résonnent, et les visages illuminés témoignent d’un moment historique. Cette femme, rayonnante, célèbre dans sa voiture la naissance tant attendue d’une nation.Celebration scene in Juba on the eve of South Sudan’s independence, after more than fifty years of civil war. In the crowded streets, people cheer, horns blare, and smiling faces mark this historic moment. This woman, radiant with joy, celebrates the long-awaited birth of a nation from her car window.
Le 9 juillet 2011, une foule en liesse célèbre à Juba la naissance officielle du Soudan du Sud, devenu indépendant après plus d’un demi-siècle de guerre civile avec le Nord. Majoritairement chrétiens et animistes, les Sud-Soudanais accusaient le pouvoir central de Khartoum, à dominante musulmane, de négliger leur région malgré ses importantes ressources pétrolières. Si le Sud détenait l’essentiel du pétrole, les infrastructures (oléoducs, raffineries, ports) restaient au Nord, alimentant une profonde inégalité. Ce jour-là, l’espoir d’un avenir souverain et plus équitable éclate dans les rues : chants, drapeaux et cris de liberté accompagnent la naissance du plus jeune État du monde.On July 9, 2011, crowds erupted in joy in Juba as South Sudan officially gained independence after decades of brutal civil war with the North. Predominantly Christian and animist, South Sudanese communities felt marginalized by the Muslim-dominated government in Khartoum, which controlled infrastructure and resources despite the South holding most of the country’s oil reserves. As the new nation emerged, the atmosphere was filled with music, cheers and flags—marking not just the birth of a country, but the hope for justice, autonomy, and dignity.
Un éleveur Dinka guide son troupeau au milieu d’un camp pastoral temporaire. Dans cette société nilotique, le bétail incarne richesse, identité sociale et ancrage culturel. Les Dinkas établissent des campements mobiles selon les saisons pour permettre à leurs bêtes d’accéder aux pâturages et points d’eau. Cette relation symbiotique homme-animal structure l’organisation sociale, les rites de passage et jusqu’aux noms propres.A Dinka herder walks through a dense cluster of cattle in a seasonal nomadic camp. In this Nilotic society, cattle are a central pillar of life — a symbol of wealth, social identity and cultural continuity. Pastoral communities migrate to follow water and grazing cycles, maintaining a deep and reciprocal bond with their herds that shapes traditions and social structures.
Jeune Dinka dans un campement de transhumance, s’occupant d’attacher l’une des vaches du troupeau. Chez les Nilotiques du Soudan du Sud, l’élevage bovin n’est pas qu’une activité de subsistance : c’est un mode de vie, un héritage culturel transmis dès l’enfance. Les jeunes garçons sont initiés très tôt aux soins, au dressage et à la conduite des bêtes, considérées comme des trésors vivants. Les longues cornes spectaculaires des bovins, caractéristiques des races zébuines élevées par les Dinkas, sont sources de fierté.A young Dinka herder in a transhumance camp tends to one of the long-horned cattle. Among South Sudan’s Nilotic populations, cattle are far more than a source of food — they represent status, identity, and ancestral continuity. Children learn from a very young age how to care for the animals, which are treated as living assets and companions. The large-horned Zebu breeds are a matter of pride among Dinka communities.
Dans un campement rural du Soudan du Sud, un jeune garçon serre contre lui un chiot, avec une tendresse silencieuse. Ce geste simple reflète l’attachement affectif et la résilience des enfants soudanais, qui grandissent dans un environnement souvent précaire, marqué par les séquelles de la guerre et la rudesse du quotidien. L’enfance, même dans l’adversité, trouve encore ses instants de douceur.In a rural encampment in South Sudan, a young boy holds a puppy tightly in his arms with silent tenderness. This simple gesture reveals the emotional resilience of South Sudanese children who grow up in harsh conditions marked by conflict and scarcity. Even amidst adversity, childhood retains its moments of gentleness.
Jeunes Dinka dans un campement de transhumance, dans la région de Bor, au Soudan du Sud. Le feu brûle en continu pour éloigner les moustiques, sécher la bouse pour les soins aux bêtes et servir de lieu de socialisation. L’élevage bovin, central dans la culture nilotique, structure toute la vie quotidienne. Le cheptel est une richesse économique mais aussi symbolique, conditionnant l’accès au mariage, aux alliances claniques, aux rituels d’initiation et à l’honneur. Le style capillaire soigné de ces jeunes hommes témoigne d’un code identitaire propre à leur génération.Young Dinka men at a cattle camp near Bor, South Sudan. Fires burn continuously to keep mosquitoes away, dry dung for animal care, and create a social gathering space. Cattle herding is central to Nilotic culture, shaping every aspect of daily life. The herd is not only an economic asset but a key to marriage, clan alliances, initiation rituals, and social status. The elaborate hairstyles worn by these young men reflect their generation’s cultural identity.
À genoux dans un campement de saison sèche au Soudan du Sud, un homme ramasse à mains nues les bouses de vache séchées. Ces excréments serviront à alimenter les foyers de fumée qui apaisent les troupeaux et éloignent les insectes. Le camp, constitué de branches noueuses servant à suspendre vêtements et effets personnels, témoigne de l’extrême rudimentarité du mode de vie des pasteurs nilotiques, pour qui le bétail est à la fois richesse, identité, et spiritualité.Kneeling in a dry-season cattle camp in South Sudan, a man collects dried cow dung with his bare hands. This natural fuel is used to feed smoke fires that calm the herds and keep insects away. The camp, made of twisted branches holding clothing and tools, reflects the harsh simplicity of Nilotic pastoral life, where cattle embody wealth, identity, and spirituality.
Un jeune berger, membre de la communauté dinka, surveille son troupeau de vaches à longues cornes, kalachnikov en bandoulière et bâton de conduite à la main. Dans cette région, l’élevage n’est pas seulement un pilier culturel et économique, il est aussi devenu un terrain de conflits. La compétition pour les pâturages, les traditions de razzias de bétail et les rivalités entre Dinkas et Nuers alimentent un cycle de violences, sur fond d’absence d’État et de circulation massive d’armes de guerre.A young herder from the Dinka community watches over his long-horned cattle, armed with a Kalashnikov and a herding stick. In this region, cattle herding is not just a way of life — it is also a frontline of interethnic conflict. Disputes over grazing land, cattle raiding traditions, and historical tensions between Dinka and Nuer communities fuel recurring violence, aggravated by the collapse of state structures and widespread availability of firearms.
Une femme travaille seule dans son potager, à proximité d’un groupement de tukuls (cases traditionnelles), symbole d’habitat rural au Soudan du Sud. Si l’élevage est l’activité centrale chez les Dinkas, les femmes assurent une part essentielle de la subsistance grâce aux cultures vivrières (sorgho, arachide, manioc, gombo…). La terre est travaillée à la houe, sans mécanisation, dans un contexte post-conflit où l’insécurité et la pauvreté demeurent omniprésentes.A woman works alone in her small vegetable garden, near a cluster of traditional tukuls — round huts made of mud and thatch, typical of rural South Sudanese architecture. While cattle herding is the main activity among the Dinka people, women play a crucial role in food security through subsistence farming. Crops like sorghum, groundnuts, cassava and okra are cultivated manually with simple tools, in a post-conflict context still marked by insecurity and hardship.
Dans une salle de classe rudimentaire au Soudan du Sud, ces enfants concentrés s’efforcent d’apprendre à lire et à écrire malgré le manque de ressources. Après des décennies de guerre civile, l’accès à l’éducation reste un défi majeur pour le pays. L’école représente pourtant un espoir de reconstruction, de paix et d’émancipation pour une génération qui aspire à un avenir meilleur.In a modest classroom in South Sudan, children focus on learning to read and write despite the lack of materials. After decades of civil war, access to education remains a major challenge for the country. Yet, school is seen as a vital hope for reconstruction, peace, and empowerment for a generation determined to build a better future.